NOIR Victor

Qui est Victor Noir ?

Date de naissance : 27 juillet 1848 (Attigny, France).
Date du décès : 10 janvier 1870 (Paris, France) à 21 ans.
Activité principale : Journaliste.
Nom de naissance : Yvan Salmon.
Pseudonyme : Victor Noir.

Où est la tombe de Victor Noir ?

La tombe est située dans la division 92

Le monument funéraire de Victor Noir au Père-Lachaise

La sépulture de Victor Noir est l’une des plus singulières et visitées de ce lieu emblématique. Elle se distingue tant par son histoire politique que par le folklore qui l’entoure.

Le gisant de Jules Dalou : un réalisme saisissant

En 1891, la dépouille de Victor Noir fut transférée au cimetière du Père-Lachaise. Le sculpteur républicain Jules Dalou réalisa un gisant en bronze grandeur nature pour orner sa tombe.

La sculpture représente Victor Noir allongé, tel qu’il aurait été trouvé après sa mort : bouche entrouverte, chapeau renversé à ses pieds, vêtements légèrement défaits. Le réalisme de l’œuvre est frappant, notamment par une protubérance visible au niveau de l’entrejambe, résultat du moulage initial du corps nu avant l’ajout des vêtements.

Une légende de fertilité devenue culte

Depuis les années 1960, une légende entoure cette sépulture : toucher certaines parties du gisant, en particulier la bosse du pantalon, apporterait fertilité et virilité. D’autres croyances suggèrent que caresser les pieds ou embrasser les lèvres de la statue favoriserait l’amour ou le retour d’un être cher. Ces rituels ont conduit à une usure visible du bronze sur ces zones spécifiques, contrastant avec la patine verte du reste de la statue.

En 2004, face à l’afflux de visiteurs et aux gestes parfois jugés indécents, les autorités installèrent une barrière autour de la tombe. Cependant, cette mesure suscita une telle protestation qu’elle fut rapidement retirée.

Biographie de Victor Noir

Origines et jeunesse

Victor Noir, de son vrai nom Yvan Salmon, est né le 27 juillet 1848 à Attigny, un petit village des Vosges. Issu d’une famille modeste, son père, Joseph Jacques Salmon, exerçait les métiers de cordonnier puis de meunier, tandis que sa mère, Joséphine Élisabeth Noir, était d’origine juive convertie au catholicisme. Très attaché à sa mère, Yvan Salmon choisira d’adopter plus tard comme pseudonyme de journaliste son nom de jeune fille : « Noir », auquel il ajoutera « Victor », prénom courant et symbolique d’optimisme et de victoire.

Dès l’enfance, Victor montra une vive curiosité intellectuelle. Il fut un élève studieux, passionné par la littérature, l’histoire et les idées politiques. À l’adolescence, séduit par l’effervescence parisienne et animé par l’envie de s’engager dans la vie publique, il quitta sa région natale pour Paris, alors capitale culturelle et politique de la France.

Premiers pas dans le journalisme

Arrivé à Paris, Victor Noir se lança très jeune dans le journalisme. Il trouva rapidement un emploi comme apprenti dans diverses rédactions avant d’être embauché à La Marseillaise, un quotidien républicain fondé par Henri Rochefort. Ce journal, à l’idéologie résolument anti-impériale, s’opposait fermement au régime de Napoléon III.

Victor s’y illustra par des articles engagés, souvent incisifs, témoignant d’une maturité d’analyse remarquable pour son jeune âge. À une époque où la presse était un outil politique puissant, il utilisa sa plume pour dénoncer les injustices et promouvoir les idéaux républicains. Son talent journalistique était prometteur : on le disait travailleur, courageux, habile pour nouer des contacts et toujours avide de défendre les causes populaires.

Une carrière écourtée par la tragédie

En décembre 1869, les tensions entre partisans de la République et partisans de l’Empire atteignirent un sommet. La Marseillaise s’était associée à un journal corse, La Revanche, qui critiquait violemment le prince Pierre-Napoléon Bonaparte, cousin de l’empereur Napoléon III.

Une série d’articles acerbes provoqua la colère du prince, qui répliqua par une lettre d’injures à Henri Rochefort. En réponse, Paschal Grousset, rédacteur en chef de La Marseillaise, défia le prince en duel, comme le voulait l’usage de l’époque en cas d’affronts publics.

Le 10 janvier 1870, Victor Noir, âgé de seulement 21 ans, fut envoyé avec son collègue Ulrich de Fonvielle comme témoin officiel pour organiser les modalités du duel. Lorsqu’ils se rendirent au domicile du prince à Auteuil, l’entretien tourna court. Selon les témoignages, après quelques échanges tendus, Pierre-Napoléon Bonaparte tira une arme et abattit Victor Noir d’une balle en pleine poitrine. La mort fut instantanée.

Un martyr de la République

La nouvelle de l’assassinat de Victor Noir provoqua une onde de choc à Paris et dans toute la France. Le meurtre d’un jeune journaliste engagé contre l’Empire cristallisa la colère populaire. Deux jours plus tard, ses funérailles à Neuilly-sur-Seine attirèrent entre 100 000 et 200 000 personnes, une immense marée humaine de républicains, de socialistes, d’ouvriers et de simples citoyens indignés.

Le cercueil, porté en triomphe, devint le symbole vivant de l’oppression du Second Empire. Victor Noir fut alors élevé au rang de martyr de la liberté d’expression et du combat pour la démocratie. Sa mort fut l’un des événements précipitant la chute du régime de Napoléon III quelques mois plus tard, après la défaite contre la Prusse et l’avènement de la Troisième République.

La famille et la vie privée de Victor Noir

Victor Noir était encore très jeune au moment de sa mort et n’était pas marié. Il n’existe pas d’informations précises sur des relations amoureuses connues ou sur une descendance éventuelle. Tout semble indiquer que son engagement professionnel et politique occupait l’essentiel de sa vie.

Dans ses lettres et ses écrits, transparaît cependant une sensibilité marquée, une attention aux injustices sociales et un vif attachement à la cause républicaine. Il était décrit par ses contemporains comme un jeune homme affable, vif, un peu impulsif mais toujours motivé par un idéal sincère.

Ce qu’il a légué à la société

Même s’il n’eut pas le temps de bâtir une œuvre journalistique importante en termes de volume, Victor Noir demeure une figure puissante de l’histoire républicaine française. Il incarne la jeunesse sacrifiée pour des idéaux de liberté, de justice et de démocratie.

Son assassinat a profondément marqué la conscience collective de l’époque.

Après son premier enterrement à Neuilly, Victor Noir fut transféré en 1891 au cimetière du Père-Lachaise à Paris, qui abrite de nombreuses figures illustres. La République souhaitait lui offrir une sépulture plus digne de son statut de martyr.

Pour honorer sa mémoire, un magnifique gisant en bronze grandeur nature fut commandé au célèbre sculpteur républicain Jules Dalou. Le souci du détail est saisissant : les plis du manteau, la chute du bras, la texture du chapeau. La sculpture a été saluée pour sa qualité artistique autant que pour son émotion brute.

Aujourd’hui encore, la tombe de Victor Noir reste l’une des plus visitées du Père-Lachaise.